
Microbiote et maladies neurodégénératives ? Une naturopathe répond
15 juillet 2025
Le microbiote intestinal, parfois surnommé notre « deuxième cerveau », désigne l’ensemble des micro-organismes, principalement des bactéries, mais aussi des virus, champignons et archées, qui vivent naturellement dans notre tube digestif, surtout dans le côlon. On estime qu’il abrite près de 100 000 milliards de micro-organismes, soit plus de cellules que dans tout le corps humain. Ce véritable écosystème joue un rôle essentiel dans la digestion, la production de certaines vitamines (comme la B12 ou la K), la régulation du système immunitaire et même la communication avec le cerveau, via ce qu’on appelle l’axe intestin-cerveau.
Or, ces dernières années, la recherche a mis en lumière un lien fort entre le déséquilibre du microbiote (appelé dysbiose) et diverses pathologies, y compris les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique (SLA/Charcot). En cas de dysbiose, la diversité et la proportion des bonnes bactéries diminuent, tandis que les micro-organismes potentiellement inflammatoires prolifèrent. Ce déséquilibre favorise une inflammation chronique de bas grade, altère la perméabilité intestinale, et pourrait jouer un rôle déclencheur ou aggravant dans ces maladies affectant le cerveau.
Ces déséquilibres peuvent altérer la perméabilité intestinale, permettant aux lipopolysaccharides et cytokines de passer dans la circulation sanguine et d’induire une neuroinflammation chronique. Simultanément, via l’axe intestin‑cerveau, ces signaux peuvent activer la microglie (cellules immunitaires du cerveau), ce qui favorise l’accumulation d’agglomérats de protéines toxiques et contribue à la progression des symptômes.
En 2023, une note médicale a mis en avant que 22 des 26 études sur la maladie de Parkinson, et 15 sur Alzheimer, montrent des variations significatives de la composition intestinale comparées aux témoins sains (impliquant notamment Akkermansia, Bacteroidetes, Firmicutes et Proteobacteria).
A ce jour, plusieurs pistes thérapeutiques émergent : probiotiques, prébiotiques, souches ciblées, voire transplantation de microbiote fécal, ont montré en modèles précliniques une réduction de l’inflammation, un ralentissement de l’accumulation des protéines toxiques et une amélioration du comportement.
Une naturopathe répond à vos questions
Je suis Sonia Robino, naturopathe à Bordeaux. Mon activité consiste à accompagner les personnes souhaitant retrouver une pleine santé et/ou maintenir leur santé.
J’étudie le terrain de la personne et lui apprend comment (et pourquoi) mettre en place des habitudes de vie qui permettent de baisser l’inflammation, de retrouver de l’énergie, un mental fort et ainsi de devenir acteur de sa santé.
Cet équilibre repose sur 4 piliers :
- l’alimentation,
- la qualité du sommeil,
- la gestion du stress et
- l’activité physique.
Je complète ce programme (individualisé car tenant compte de l’environnement social, professionnel et personnel de la personne) par une complémentation en micro-nutrition pour ré équilibrer les carences et les surcharges de la personne.
Le rôle de l’alimentation dans notre santé ?
Quel rôle pensez-vous que joue l’alimentation dans l’équilibre du microbiote dans la santé. Et plus particulièrement chez les personnes à risque ou atteintes de maladies neurodégénératives ?
L’alimentation joue un rôle crucial dans l’équilibre de notre microbiote et donc de notre bonne santé.
Elle fournit les fibres (prébiotiques) et nutriments qui nourrissent nos bonnes bactéries, créant un microbiote diversifié et équilibré. Ce dernier produit des composés essentiels comme les acides gras à chaîne courte (AGCC), indispensables pour l’intestin et le système immunitaire.
Chez les personnes à risque ou atteintes de maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, SLA), ce lien est fondamental. En effet, l’axe intestin-cerveau, comme évoqué précédemment, est central, l’intestin et le cerveau communiquent constamment, influençant ainsi santé et maladie. Aussi un microbiote équilibré, grâce à une alimentation saine, aide à diminuer l’inflammation qui peut affecter le cerveau et contribuer à la dégénérescence neuronale. Enfin les métabolites produits par le microbiote (comme les AGCC), sont neuroprotectrices et soutiennent directement la fonction cognitive.
Comment l’axe intestin‑cerveau intervient-il concrètement dans la prévention des maladies neurodégénératives ?
Un microbiote intestinal équilibré, en bonne santé, maintient l’intégrité de la barrière intestinale. Cela empêche le passage de toxines et de substances pro-inflammatoires du tube digestif vers la circulation sanguine. Moins d’inflammation systémique signifie moins de risque que cette inflammation ne traverse la barrière hémato-encéphalique et n’atteigne le cerveau pour provoquer une neuroinflammation, un facteur responsable du développement d’Alzheimer, Parkinson et SLA.
Les bonnes bactéries intestinales produisent des acides gras à chaîne courte (AGCC) comme le butyrate. Le butyrate est une source d’énergie pour les cellules intestinales, mais il peut aussi atteindre le cerveau où il exerce des effets neuroprotecteurs : il favorise la survie des neurones, réduit l’inflammation et améliore la fonction cognitive.
Le microbiote intestinal produit de nombreux neurotransmetteurs et/ou leurs précurseurs (sérotonine, dopamine, GABA, noradrénaline). Un déséquilibre peut altérer cette production, tandis qu’un axe équilibré assure une bonne synthèse, ce qui est crucial pour le bon fonctionnement neuronal, la régulation de l’humeur, du stress, et des fonctions cognitives. Or ces fonctionnements sont impactés par les maladies neurodégénératives.
De plus l’intestin abrite une grande partie de notre système immunitaire. Une dysbiose peut rendre le système immunitaire hyperactif ou dysfonctionnel, conduisant à une inflammation chronique qui peut, comme dit plus haut, avoir des répercussions néfastes sur le cerveau.
Aussi le nerf vague est une autoroute à double sens entre l’intestin et le cerveau. Un microbiote sain envoie des signaux positifs au cerveau via ce nerf, influençant le bien-être, la gestion du stress, et potentiellement la neuroprotection. Un microbiote déséquilibré peut, à l’inverse, envoyer des signaux de stress ou d’inflammation au cerveau.
Quelles interventions naturopathiques (probiotiques, prébiotiques, alimentation fonctionnelle, etc.) recommandez-vous pour soutenir le microbiote en lien avec la santé neurologique ?
L’approche en naturopathie repose sur la mise en place d’habitudes s’appuyant sur l’alimentation, la gestion du stress, la qualité du sommeil et l’exercice physique.
Ces 4 piliers sont développés en fonction de la personne, de son histoire, de ses capacités, de son environnement. Mais dans les grandes lignes je préconise : une alimentation hypo toxique et antiinflammatoire, c’est à dire une alimentation brute (non transformée), naturelle et biologique, un outil quotidien pour moduler notre nerf vague (la cohérence cardiaque, la méditation …) et donc notre système nerveux, des actions pour favoriser un sommeil de qualité (stopper les écrans le soir, alimentation légère au diner, réduire les excitants …) et du mouvement : bouger tous les jours ! Même 30 minutes de marche (plutôt dans la nature, un parc suffit) c’est déjà bien.
Aussi je complète ce programme en supplémentant la personne après avoir étudié son terrain. La majeure partie du temps, il s’agit de réparer la porosité intestinale dans un premier temps avec de la glutamine (entre autres) et venir ré équilibrer la flore avec des probiotiques (avec une souche adaptée) dans un second temps. Aussi ce qui est primordial aussi dans l’accompagnement des maladies neurodégénératives est l‘apport en oméga 3 (hautement dosé et de bonne qualité). Ses principes actifs ont une action reconstructrice des fibres nerveuses (la myéline) et des neurones.
Avez-vous déjà observé, dans votre pratique, une amélioration des symptômes cognitifs ou moteurs suite à une modulation du microbiote ? Pouvez‑vous partager un retour de cas ?
J’observe au quotidien des améliorations. Lorsque la personne change son mode de vie, sa vie change et sa santé suit.
Je pense à un cas lourd d’une personne souffrant de spondylarthrite rhumatoïde déclarée depuis plusieurs années dont le traitement allopathique n’avait plus d’efficacité. Il avait 4 à 7 crises quotidiennes de forte intensité. Cette personne avait des habitudes alimentaires pro inflammatoires et beaucoup de stress sans aucune activité physique. En mettant en place un programme personnalisé avec une prise en charge en micro-nutrition, cet homme de 40 ans a vu ses crises disparaitre.
Quels conseils donnez-vous au quotidien à tout le monde pour soutenir un microbiote sain ?
Mes conseils :
- Des légumes de saison bio si possible et cuits basse température c’est encore mieux à chaque repas.
- Des protéines de qualité 2 x jour.
- Un apport de bons gras à chaque repas (huiles, oléagineux, avocat …).
- Stopper tous les plats, les sauces, les aides culinaires industrielles.
- Réduire les glucides et consommer des glucides à indice glycémique bas et sans gluten. Remplacer les produits laitiers à base de lait de vache par des produits laitiers à base de laits végétaux.
- Pratiquer un exercice de gestion de stress au quotidien (cohérence cardiaque, médiation).
- Pratiquer une activité physique adaptée et régulière.
- Être attentif à mettre en place des rituels et des habitudes qui favorisent un bon sommeil.
- Consulter régulièrement un(e) naturopathe pour effectuer une étude du terrain (qui évolue) pour adapter une supplémentation en micro nutrition en conséquence.
Rappel important : un(e) naturopathe ne remplace pas un médecin. Il complète l’approche allopathique en renforçant le terrain de la personne et en ré équilibrant les carences et les surcharges.
Sonia Robino, naturopathe à Bordeaux.
Sources :
Sender, R., Fuchs, S., & Milo, R. (2016) — Revised Estimates for the Number of Human and Bacteria Cells in the Body
Publié dans Cell: https://doi.org/10.1016/j.cell.2016.01.013
Marchesi, J.R. et al. (2016) — The gut microbiota and host health: a new clinical frontier
Gut, BMJ Journals: https://gut.bmj.com/content/65/2/330
Carabotti, M. et al. (2015) — The gut-brain axis: interactions between enteric microbiota, central and enteric nervous systems
Annals of Gastroenterology: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4367209/
D’Argenio, V. & Sarnataro, D. (2019) — Microbiome influence in the pathogenesis of neurodegenerative diseases
Current Opinion in Neurology: https://doi.org/10.1097/WCO.0000000000000720
Cattaneo, A. et al. (2017) — Association of brain amyloidosis with pro-inflammatory gut bacterial taxa and peripheral inflammation markers in cognitively impaired elderly
Neurobiology of Aging: https://doi.org/10.1016/j.neurobiolaging.2016.07.037
Boertien, J.M. et al. (2022) — Gut microbiota in neurodegenerative disorders: a systematic review
Movement Disorders: https://doi.org/10.1002/mds.29002